La bouffe française, des amis français, sans la grisaille et la morosité de la métropole.

Carnet de bord de Raphaëlle

Juin 2015

Contrairement au carnet principal, les archives se lisent de haut en bas...

Martinique (France)

2 juin (suite), Saint-Pierre

Nous débarquons dans l’ancienne capitale de la Martinique, ville sinistrée par l’éruption de 1902. Les ruines côtoient les nouvelles habitations. Le fameux cachot ayant abrité le seul survivant est bien visible. La population, entièrement noire, est d’un abord moins sympathique que les Guadeloupéens. Moins souriants, ils parlent parfois si sèchement que nous nous sentons agressés. Mais ce ton est utilisé autant entre eux que lorsqu’ils s’adressent à nous, nous essayons donc de ne pas nous en formaliser.

3 juin, Montagne Pelée

Avec La Smala, nous nous entassons à huit dans une voiture break pour grimper au mythique sommet de la Martinique. Le paysage est magnifique, la montagne incroyable. À défaut de se promener dans la forêt tropicale humide – que j’adore –, la végétation rase et uniforme épouse le contour des crêtes et des failles, ce qui dégage l’horizon.

Lorsque les nuages se poussent, nous voyons la mer sur trois côtés. Par contre, il n’y a aucun signe d’activité volcanique : pas de fumerole ni de mauvaise odeur de soufre. Nous prenons bien garde de rester sur le sentier, car les failles et les trous sont nombreux et masqués par les herbes. La carte des sentiers indiquait une marche de 4 heures pour 5 kilomètres et 670 mètres de dénivelés. Il nous en faudra 6, pauses et piquenique compris.

Pour nous relaxer, nous nous baignons dans une cascade entourée d’une forêt enchanteresse.


4 juin, Saint-Pierre

Temps mort : j’ai besoin d’une journée au calme sur le catamaran. Pas de ballade, pas de repas avec les bateaux-copains, juste une montagne de petites corvées en retard. Cela permettra aussi à Gaétan de récupérer un peu. Lors de la traversée depuis Dominica, Gaétan avait vomi plusieurs fois. Cela lui arrive de temps en temps – il est sujet au mal de mer – mais c’est la première fois qu’il rendait autant. Bon, quand les vomissements ont continué après avoir ancré le voilier, nous avons eu des doutes. Quand il a vomi tout son repas en haut de la Montagne Pelée, il a bien fallu admettre que ce n’était pas le mal de mer, mais une gastro...

5 juin

Saint-Pierre

L’état de Gaétan ne s’améliore pas vraiment, même si les vomissements sont plus espacés et qu’il n’a pas d’autres symptômes. Les nausées et les douleurs abdominales restent importantes, il refuse de manger. Nous sommes vendredi. Saint-Pierre est une petite ville qui s’étend le long de la mer : tout est accessible à pied. Voir un médecin ici semble plus facile qu’à Fort-de-France. Quelle simplicité! Il suffit de s’assoir dans la salle d’attente, de n’attendre qu’une petite heure et de ne payer que 25 euros! La médecin confirme le diagnostic de gastro. Sa lenteur à récupérer semble due à notre petite ballade en montagne (le regard incrédule, assassin et culpabilisant de la médecin ne trompe pas). Pauvre Gaétan, lui qui n’est pas très vaillant pour les grandes montées en temps normal, il a réalisé un sacré exploit avec son petit corps sans réserve quasiment à jeun depuis 36 heures... Antinauséeux, antispasmodique et plus de repas : seulement quelques bouchées de temps en temps. Rien de grave, nous voilà rassurés.

Case-Pilote

Plus les personnes rencontrées sont âgées, plus elles sont souriantes et disent bonjour. Case-Pilote est charmante. L’église nous surprend par son architecture typiquement alsacienne, avec son toit en double pente et les tuiles en écailles de poisson. La différence la plus grande est que le grès est gris au lieu d’être rose.

6 juin, Fort-de-France

« Black-out. » La Martinique tout entière est privée d’électricité. En ce samedi matin, les rues sont pleines de monde. La plupart des magasins n’ont même pas pu lever leurs rideaux métalliques. D’autres sont ouverts, mais, sans lumière, ils ne sont guère invitants. Évidemment, les épiceries sont fermées.

Nos amis martiniquais arrivent. Des amis de Jacques, qu’il a connu il y a 25 ans, lorsqu’ils faisaient leurs études à Toulouse. Karine et Joël, sœur et frère, que j’avais également rencontrés, car Karine sortait avec mon ex-demi-frère Daniel. Mais, à l’époque, je ne connaissais pas encore Jacques qui ne savait pas encore que son meilleur copain Vincent (le frère de Daniel) avait deux ex-demi-sœur et un ex-demi-frère (le vrai demi-frère des ex-demis-frère-et-soeurs n'existait pas encore). Bref, de vieilles histoires de famille. Dès que nous avions parlé de naviguer dans les Caraïbes, Jacques avait dit qu’ils voulaient les retrouver. C’est fait, pour le plus grand plaisir de tous.

7 juin

Karine est venue nous chercher pour nous amener diner (en québécois dans le texte) chez son frère. Elle en profite pour nous faire une visite guidée des alentours de Fort-de-France. J’adore ces maisons à flanc de montagne, cette végétation omniprésente, ces fleurs colorées. Vue de là-haut, l’agglomération est immense.

Petit-Bourg

La maison de Joël et Emmanuelle est sympathique. La vue est superbe. Assez haut dans la montagne, il fait la température idéale. Au moment de mettre la tarte au sirop d’érable dans le four : panne d’électricité!

8 juin, Fort-de-France

Il y a de l’électricité, nous allons enfin pouvoir visiter la ville avec les commentaires de l’audiophone. Fermé? Comment ça, fermé??? Le syndicat d’initiative (bureau d’information touristique) de la capitale de la Martinique est fermé le dimanche ET le lundi. Les autres jours, elle n’est ouverte que de 9 h à 16 h. Heureusement que le tourisme est la principale activité économique de l’ile... Avec un taux de chômage de 40 %, ils ne peuvent pas prétendre que c’est parce qu’ils ne trouvent pas de personnel. Trop, c’est trop. Nous quittons cette baie, tant pis pour la visite de la ville.

9 juin, Anses D'Arlets

Après quelques jours au large de la grande ville, nous apprécions le calme de Grande-Anse. C’est joli, pas trop touristique, la plage est belle (pas de sargasses), la houle ne rentre pas, l’eau est transparente. Nous allons nous promener au morne Champagne. La ballade est agréable malgré la chaleur. De l’autre côté, la plage est tout aussi belle. Le village est encore plus joli avec son église et ses maisons bien entretenues et de toutes les couleurs. La houle rend le mouillage rouleur, ce qui explique que les bateaux de passage ne s’y arrêtent pas. La saison sèche est vraiment dernière nous. Alors que le ciel était d’un bleu pur au moment du départ, une forte averse nous surprend, mais nous avons le temps de rejoindre un des nombreux abris au bord de la plage. Des pêcheurs sont en train de préparer du poisson, j’hésite à leur demander la permission de les photographier. Finalement, je sors discrètement mon appareil. L’un d’eux me voit et se recule en faisant la tête. J’ai toujours du scrupule à photographier les gens que je ne connais pas, cette expérience me donne raison. Je serai plus respectueuse la prochaine fois.

10 juin, Grande-Anses D’Arlets

– Où êtes-vous?
– À Grande-Anses D’Arlets.
– Je récupère les enfants et on arrive. Qu’est-ce que j’amène?
– Rien. Il y a une petite épicerie, on se débrouillera.
– Il y a école demain, alors nous devrons partir tôt.

Joël et sa famille arrivent? L’épicerie est fermée? Pas de panique, nous avons au moins trois mois de réserve de nourriture sur le bateau. Pâtes et sauce en pot maison, ce sera parfait. Il me reste encore le temps de faire un dessert.

C’est avec un grand plaisir que nous nous retrouvons. Jacques les emmène faire de la planche dauphin. Nous prenons le temps de nous baigner, de prendre l’apéro, de manger. Sur l’invitation de Jacques, nous nous allongeons tous sur le trampoline pour regarder les étoiles. C’est l’heure de partir, il n’est que 20 h 30. Comme quoi, on peut faire simple, rapide, bon et plaisant. À refaire plus souvent.

11 juin, entre Anses Carbets et Le Marin

Nous avions prévu de partir en début d’après-midi. D’après Rêve Bleu, qui a pas mal bourlingué dans ces eaux, et La Smala, qui a fait cette traversée quelques jours avant nous, cette navigation n’est jamais facile et elle peut être difficile. 16 milles jusqu’au Marin, on devrait mettre 3 heures, peut-être un peu plus. Ils annoncent du fort vent à partir de ce soir, les conditions de mer vont donc se durcir. Forts de tous ces conseils, nous levons l’ancre à 9 h 30.

Comme toujours, le trajet sous le vent des iles est chaotique avec des passages sans vents suivis de rafales à près de 30 nœuds. Nous nous y attendions, aussi la voilure est réduite au minimum et les moteurs restent allumés. En approchant le Diamant, la houle se creuse. Lorsque nous virons cap à l’est, nous nous retrouvons face au vent, aux vagues et au courant. Petit à petit, le Chantemer ralentit. Le génois est plié depuis longtemps, le vent est trop de face. La grand-voile soutient un peu les moteurs. La vitesse baisse encore. Nous oscillons autour de 1 nœud. Nous irions plus vite à la brasse dans une piscine... Il n’y a pas le choix, il faut tirer des bords. Le vent soutenu nous permet de remonter à 6 nœuds, en gardant les moteurs à bon régime. Bien sûr, nous n’avançons pas dans la bonne direction. Deux bords à 60° du cap visé à 6 nœuds équivalent à une avancée à 3 nœuds vers notre objectif. C’est lent, très lent, mais plus rapide qu’une route directe à 1 nœud. Après 6 h 30 de navigation stressante, jalonnée de casiers à langoustes à peine visibles, nous arrivons enfin à la baie du Marin. C’est notre record : une moyenne inférieure à 2,5 nœuds...

12 juin, Le Marin

Depuis le début du voyage, nous trouvons les haubans un peu mous (câbles qui tiennent le mât). Comme Francis, de Rêve Bleu, nous a recommandé un spécialiste des gréements, nous profitons de notre escale au Marin – la plus grande marina des petites Antilles – pour faire inspecter le Chantemer. Nous nous attendons au pire... À midi, nos deux techniciens sont sur le catamaran. Au premier coup d’œil, ils confirment que les haubans sont vraiment trop lâches, sauf qu’ils sont déjà serrés à fond et qu’il n’est pas possible de les raccourcir. Dommage, ils sont encore en bon état. L’inspection en haut du mât révèle des problèmes majeurs, surtout sur l’étai (câble qui tient le mât vers l’avant et sur lequel le génois est enfilé). En résumé, nous avons eu de la chance de ne pas démâter. Pour l’estimation de coût de remplacement de tous les haubans, des ridoirs (ensemble qui permet de régler la tension) et de l’étai, nous nous attendons au pire... Et la réalité est bien pire que notre estimation la plus pessimiste... Mais avons-nous le choix? Un démâtage en pleine navigation coûterait bien plus cher. Que nous gardions ou que nous vendions le Chantemer, cette maintenance majeure doit être faite. Je pense que l’inspecteur que nous avions engagé avant l’achat de ce voilier n’a même pas vérifié la tension des haubans. En tous cas, il n’est pas monté au mât. Cela me paraissait un peu bizarre, mais nous ne connaissions alors pas grand-chose aux voiliers (et je ne suis pas certaine que nous en connaissons beaucoup plus aujourd’hui).

13 juin, Vauclin

La côte au vent de la Martinique est aussi belle que ce que l’on nous avait dit, les sargasses en plus... Cela gâche juste la baignade, mais nous sommes là pour marcher. L’odeur n’est perceptible que par endroit, il y a beaucoup de vent.

Le paysage vallonné couvert de champs cultivés et de pâturage ressemble de façon surprenante à la campagne française. De temps en temps, un cocotier vient nous rappeler que nous sommes sous les tropiques. En fait, je trouve le tout plus joli qu’en métropole. Un champ de bananiers est plus esthétique qu’un champ de maïs (ce sont tous les deux des herbes), même en prenant en compte les plastiques verts qui protègent les régimes.


14 juin, Presqu’ile de la Caravelle

Pour ménager nos pauvres vieux genoux (à bien y réfléchir, Jacques et moi avions mal aux genoux avant même nos 20 ans...), nous avions décidé de faire une balade tranquilles vers les plages du sud. La tentation de faire une randonnée en compagnie de La Smala est trop forte. Les enfants s’entendent à merveille : pas de rivalité, pas de chicane, peu de jérémiades quant à d’éventuelles fatigues ou chaleur excessive, etc. Les parents s’entendent aussi très bien. Tant pis pour les genoux : direction nord-ouest. Heureusement, le chemin est relativement plat, ce qui n’est pas le cas des points de vue spectaculaires.


15 juin, Le Marin

Quelques courses, un peu de travail sur l’ordinateur. La journée passe à une vitesse folle. Ça fait du bien un peu de calme.

Ce soir, nous sommes invités. La Smala est à Sainte-Anne, à 20 minutes d’annexe du Marin. Patrice nous dit tout le temps « Y a rien là! » en parlant de ce trajet en annexe; ce n’est pas notre avis. Je n’aime toujours pas l’annexe : trop de bruit, trop de mauvaise odeur, trop de mouvements brusques, trop d’embruns, trop de vibrations. Pour moi, c’est comme monter dans une voiture : un mal nécessaire avec le confort en moins. Nous acceptons cependant leur invitation avec entrain. Les gars se déguisent avec les vêtements et les accessoires de Camille et Alice, c’est hihi-larant, comme dirait Gaétan.

16 juin, Le Marin

Le coût des réparations dépasse notre pessimisme le plus fou... Nous discutons longuement avec les gréeurs pour ne mettre que le minimum de la qualité requise : nous ne partons pas faire le tour du monde. Ils finissent par me convaincre qu’il y a une erreur dans le manuel du propriétaire du Leopard 40. Ils admettent que les bas haubans (câbles qui partent du milieu du mât) doivent être en 8 mm et non en 10. Nous acceptons de mettre un câble de meilleure qualité pour l’étai. Au bout de plusieurs heures et de nombreux aller-retour entre le magasin, le chantier et le bateau, parvenons à faire un peu baisser le prix tout en gardant une qualité optimale. Le fabricant des coquilles (insertion dans le mât qui sert à y fixer les câbles) ne les fabrique plus... Ce système n’est pas compatible avec les autres maques, enfin, presque pas... Il suffit d’élargir de trou dans le mât de quelques dixièmes de millimètres. Heureusement, ce ne sera pas à nous de le faire. Il ne reste plus qu’à vérifier que toutes les pièces sont en stock. Ben non! Il faut les commander, avec les aléas des délais douaniers. La journée s’achève et nous avons l’impression de ne pas avoir fait grand-chose, à part économiser près de 1 000 euros, ce qui n’est quand même pas rien.

17 juin, Le Marin

C’est au tour de moteur hors-bord de l’annexe de se faire réparer. Sur un bateau, les réparations n’arrêtent pas... Nous perdons de l’huile depuis longtemps, mais nous n’arrivions pas à trouver le joint fautif. Le réparateur nous conseille de bien le cadenasser, c’est un modèle très prisé par les voleurs. Nous sommes en France, et nous n’avons jamais aussi consciencieusement verrouillé voilier et annexe depuis le début de notre périple, alors que nous sommes dans l’ile la plus riche de toutes les Antilles. Que devons-nous en conclure?

18 juin, Saint-Anne

Enfin, nous quittons Le Marin pour Sainte-Anne, il ne se passera rien avant lundi. La Smala nous attend pour une promenade dans les plages du sud. La plage des salines est fantastique. C’est un des sables les plus fins que nous ayons vus jusqu’à présent. À l’extrémité où nous nous sommes installés, il y a des vagues géantes et aucune trace de sargasse. Pour renforcer le côté paradisiaque, il n’y a ni moustiques ni autres humains.

La ballade est encore longue, il nous faut partir. La randonnée est vraiment longue, très longue, trop longue. Mais comment résister à la savane pétrifiée?

Pour finir notre boucle de 15 km, nous rentrons par un chemin à travers les terres. Nos pieds sont en compotes et les enfants sont trop fatigués pour râler.

19 juin, Sainte-Anne

La Smala part demain pour Bequia, deux iles au sud de Sainte-Lucie. Nous, nous récupèrerons Sam et Nathalie dans deux semaines à Sainte-Lucie. Dans le meilleur des cas, nous nous retrouverons dans un mois ou deux, dans les Grenadines. Dans le pire des cas, nous n’allons pas jusqu’à Grenada et nos routes se séparent ici. Le nombre de kilomètres parcourus à pied, le nombre de baignades collectives et le nombre de soupers partagés sont incalculables et laisseront une douce nostalgie dans nos cœurs. Pour clôturer cette belle complicité, nous les invitons une ultime fois sur le catamaran. Parce que Rêve Bleu sont aussi des Français pas tout à fait comme les autres, nous les invitons également. Les deux bateaux vont suivre la même route jusqu’à Grenada. Je suis certaine que Valentin s’entendra aussi très bien avec Camille et Alice. En cadeau de départ, nous leur offrons donc de se rencontrer autour d’un ragoût de cabri, aussi goûteux qu’immasticable. La soirée est parfaite, les enfants sont des anges, les fous rires nombreux.

20 juin, Sainte-Anne

Je profite de cette journée calme pour récupérer un peu de mon retard sur mon carnet de bord. Je refuse donc l’invitation pour la plage de La Smala puis de Rêve bleu. Nous passons encore du temps à la recherche d’un éventuel gite à acheter en Guadeloupe. Pourquoi cette ile? Pour ses montagnes et sa végétation. Pour sa grande mixité et la gentillesse des gens que nous y avons rencontrés. Pour allier plage et montagne. Pour son côté français mais pas métropolitain. Les Guadeloupéens revendiquent d’être antillais avant d’être français, c’est le contraire pour les Martiniquais. Pas étonnant que la Guadeloupe nous ait davantage séduits que sa rivale.

21 juin, Saint-Anne

Aujourd’hui, c’est la fête des Pères en France et Canada. Nous avions complètement manqué celle des mères, voilà l’occasion de nous rattraper autour d’un bon repas. Il n’y a pas de cadeau cette année. Dès l’année de la naissance de Malika, nous avions décidé de ne pas rentrer dans l’aspect commercial de ces fêtes, et donc de ne pas acheter de cadeaux. Jusqu’à présent, les enfants étaient fiers et impatients de nous offrir leurs bricolages réalisés à l’école. Mais cette année, la professeure n’a proposé aucune réalisation... De notre côté, nous voulions offrir un appel téléphonique à nos propres pères, mais voilà, le crédit de téléphone est épuisé. Déçus, nous nous contentons d’un rapide courriel.

22 juin, Le Marin

À l’heure prévue, nous arrivons au quai à proximité de l’atelier de Caribe Gréments. En deux heures, le génois est démonté, l’étai est changé, les quatre haubans sont démontés, les deux galhaubans de 10 mm sont remontés, le génois est remis en place. Il ne manque plus que les haubans de 8 mm... Les pièces ne sont pas en stock? Nous le savions puisque nous avions repoussé le chantier à ce jour. Elles devaient arriver ce jour. Vous nous aviez dit qu’en cas de retard, nous pourrions rester au quai jusqu’au lendemain. Vous avez oublié de les commander??? Elles seront là seulement jeudi, dans trois jours? Nous n’avons pas vraiment le choix d’attendre...

23 juin, Le Marin

Nous pensions profiter gratuitement du quai de Caribes Gréements jusqu’à ce que notre voilier retrouve son intégrité, mais ils ont besoin de la place pour un autre navire. Bon, nous retournons nous ancrer à l’entrée de la marina. Hou là! Il y a pas mal plus de monde que la fois précédente, donc nettement moins de place. Le vent souffle en titi. Vu la profondeur, nous devons mettre 30 m de chaine à l’ancre. Premier essai, le catamaran part dans tous les sens et l’ancre ne croche pas. Deuxième essai, l’ancre ripe toujours sur le fond. Le moteur bâbord refuse de s’enclencher en marche arrière et vibre dangereusement. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, mais, d’habitude, l’embrayage fonctionne à la deuxième ou troisième tentative. Les rafales poussent le Chantemer dans tous les sens (sauf le bon) et le rabattent sur les autres bateaux. Nous parvenons toutefois à les éviter et à remonter l’ancre. Stressés, nous décidons de retourner à Sainte-Anne, qui n’est pas dans un couloir de vent et qui n’est qu’à une demi-heure au moteur.


24 juin, Sainte-Anne

La brume de sable, qui est en fait une brume d’argile, est courante dans les Antilles. Sauf que jusque-là, ellurant deux ou trois jours puis revient en force. En plus de causer les mêmes problèmes de santé que lors des alertes de pollution dans les grandes villes, elle nous prive des couchers de soleil et salit tout sur le bateau.


25 juin, Le Marin

Nous sommes jeudi, les pièces pour les haubans doivent arriver aujourd’hui. Nous nous rendons au Marin sans attendre l’appel de l’atelier - Jacques a rendez-vous cet après-midi avec un médecin rhumatologue, pour une injection de cortisone dans la tendinite de son coude (nous avons eu un rendez-vous en deux jours, de quoi rendre jaloux tous nos amis québécois...). Mauvaise nouvelle, les pièces ne sont pas arrivées. Elles devraient être là demain.


26 juin, Le Marin

Nous avons la voiture jusqu’à midi, nous allons donc visiter les environs. Le Piton Crève-Cœur nous permet d’admirer les environs, en particulier la grande ballade dans les plages du sud avec La Smala. Petit pincement au cœur, ils nous manquent déjà.

Le paquet est encore à Paris? À cause de la grève des taxis? C’est quoi, le rapport??? La France et les grèves... Les grèves en France... La population systématiquement prise en otage... Des grèves parfois justifiées, parfois simplement préventives suite à une rumeur...

27 juin, Sainte-Anne

C’est un aspect du voyage dont nous avons finalement peu profité jusqu’à présent. Les enfants font du skinboard sur la grève tandis que les parents parlent de tout et de rien, de la vie, de leur voyage, des pannes de moteur et des tempêtes évitées. Le temps passe vite. Pour une fois, nous avons l’impression d’être en vacances.

28 juin, Sainte-Anne

Karine est de retour avec son fils et les enfants de Joël. Le plaisir de se retrouver augmente à chaque rencontre. La pêche devient vite l’attraction de la journée : des petites gorettes se précipitent sur les morceaux de lard fumé accrochés aux hameçons. Moins de cinq secondes, c’est le temps moyen pour ressortir un de ces bébés poissons. Trop petits pour être mangés, ils retournent à l’eau. Sauf deux. Ceux-là servent d’appât sur des hameçons énormes. Arriverons-nous enfin à attraper un tarpon? Hier, nous avons failli réussir.

Une première prise est ferrée. La bête est énorme, mais elle parvient à se libérer. Une deuxième touche! Le poisson saute au-dessus de l’eau avec toute son énergie, mais le crochet tient bien. Malgré que le frein du moulinet soit serré à fond, la bête arrive à gagner un peu de fil. Au non! Il est passé derrière l’annexe! Un peu plus il serait tombé dans l’annexe, mais le fil a cassé. Encore un hameçon de perdu. Ben non, il n’est pas perdu! Il est planté dans le canot pneumatique. Bien planté et sans fil! Finalement, il aurait peut-être mieux valu qu’il soit perdu... Pauvre Jacques, il avait réparé les derniers trous hier...

29 juin, Le Marin

Les pièces pour les haubans sont arrivées, youpi! Pas de chance, ce ne sont pas les bonnes... Ils doivent en commander de nouvelles. Si tout va bien, elles seront là mercredi, dans deux jours. Mais pourquoi tout irait bien? Nos invitées arrivent samedi. Il faut compter deux petites journées de navigation pour arriver à l’ancrage proche de l’aéroport, tout au sud de Saint Lucia. La pression monte.

30 juin, Sainte-Anne

Nous avons besoin de marcher. Ces derniers jours, nous avons trainé au Marin ou à la plage. La plage est une activité sociale très plaisante – les garçons s’amusent tandis que les adultes discutent –, mais la dépense physique n’est pas assez grande (pour nous, les adultes, parce que les enfants reviennent épuisés et courbaturés). Donc, comme nous avons encore au moins une journée à passer ici, nous décidons de retourner à la plage de Grande Saline, à une bonne heure de marche. Gaétan est enthousiaste, c’est vous dire que la plage et les vagues en valent vraiment la peine! C’est incroyable comme l’homme à tendance à vite prendre des habitudes. Nous nous installons exactement au même endroit que lors de notre première visite – sous le même arbre –, seul l’équipage de La Smala est absent...

Comme nous espérons partir dès demain, nous invitons Rêve Bleu pour une soirée d’adieu. Ils font déjà partie des rencontres marquantes de notre voyage, de ceux que nous n’oublierons jamais.

1er juillet, Sainte-Anne

Sans surprise, les pièces ne sont pas arrivées. « Elles arriveront demain à 13 h, c’est certain! » 13 h? Mais nous voulions partir dès midi pour Saint Lucia!!! Nous avons besoin d’une journée à Rodney Bay pour faire les formalités d'entrée et, surtout, pour remplir nos bouteilles de propane (il n’y a aucun site de remplissage de propane dans toute la Martinique! Seulement des échanges de bouteilles de butane...). Ensuite, la navigation pour le sud de l’ile (où se trouve l’aéroport) promet d’être aussi difficile que pour venir au Marin, face au vent et au courant. Et du vent, ils en annoncent beaucoup. Notre marge de sécurité est épuisée et nous commençons à vraiment stresser. Nous attendrons donc une journée de plus, mais nous devons partir demain après-midi, le plus tôt possible.

2 juillet, Le Marin

Le chantier nous appelle un peu plus tôt que ce que nous attendions. Tant mieux. Le patron nous attend sur le quai. Ça, ce n’est pas bon signe... Finalement, les pièces n’arriveront pas aujourd’hui, mais demain 8 h. Demain? À 8 h? Et qu’est-ce qui nous le garantit? Et qui dit que ce seront les bonnes pièces? Avant de récupérer nos visiteurs, nous devons passer les douanes et l’immigration, remplir nos bouteilles de propane (nous n’osons plus utiliser ni le four ni le barbecue depuis que nous sommes sur la dernière bouteille) et nous rendre tout au sud de l’ile. 40 km, c’est négligeable par l’autoroute. C’est nettement plus long par des petites routes sinueuses. C’est très long en bateau sous le vent des iles puis face aux alizés. Non, nous ne prendrons pas ce risque. Nous acceptons qu’ils mettent de nouveaux câbles avec les anciennes coquilles. Ils changeront les dernières pièces lors de notre retour vers la Guadeloupe.